La première partie de l’ouvrage « A la poursuite des villages lacustres … », publication pratique et richement illustrée, présente un historique succinct des premières découvertes des stations lacustres neuchâteloises par des amateurs avec les premiers relevés de terrain dans les années 1880, jusqu’aux grandes fouilles de sauvetage à partir des années 1960 liées aux travaux autoroutiers en passant par les inventaires, les fouilles stratigraphiques et les premiers clichés aériens des années 1920 par A. et M. Borel (fin 19e), D. Viollier (vers 1930) et P. Vouga (vers 1940). L’historique permet d’introduire les sources et de poser les bases du corps de l’ouvrage que constitue la deuxième partie. Les principaux relevés cartographiques tirés des inventaires, ainsi que les relevés géomorphologiques ou les profils acoustiques quand ils existent, avec la synthèse et l'étendue des sites retenus, y sont exposés par baie ou fragment de rive. Dans ces groupes, chaque site est présenté et imagé par les relevés généraux des structures, des profils stratigraphiques, des photos de fouille ou des planches de matériel anciennes. La présentation comprend un bref historique des interventions, les datations dendrochronologiques ou typologiques et une bibliographie très complète. La troisième partie donne une synthèse de l'état de conservation des sites et des perspectives, ainsi que quelques pistes de recherches. Parmi celles-ci, relevons une proposition de typologie des villages selon l'agencement des maisons, ainsi qu'une synthèse des durées et densités d'occupation par période, ce qui permet à B. Arnold de montrer les cas récurrents d'occupation quasi continue d'une même baie ou d'un même fragment de rive distants de 3–4 km, et l'on revient ainsi aux regroupements de sites qui président à la présentation de la deuxième partie.

La publication en question complète admirablement les recherches effectuées depuis de nombreuses années par les équipes de A. Hafner sur les rives bernoises du lac de Bienne et de P. Corboud qui achève la recension et la surveillance des sites immergés, mais aussi actuellement exondés, des bords des lacs Léman, de Neuchâtel, de Bienne et de Morat pour les cantons de Vaud, de Genève et de Fribourg. Ce dernier travail, qui n'est malheureusement pas publié, est extrêmement intéressant par la présentation des sites remblayés recherchés par carottages. La situation, évoquée par B. Arnold dans le cas de la ville de Neuchâtel, est sans doute plus courante qu'il n'y paraît et, par exemple, le déficit en sites du Bronze ancien constaté dans le canton pourrait y trouver son explication. En tout cas, les recherches présentées dans Archéologie Neuchâteloise donnent un panorama très complet des occupations lacustres, surtout dans la région des Trois-Lacs, et en font une des régions théoriquement les mieux connues de la Préhistoire, ainsi qu'un outil indispensable à des synthèses futures, telles que l'a esquissé B. Arnold dans sa conclusion. Notons également l'accent mis sur la Thielle et ses méandres, qui ouvre un champ d'investigations encore méconnu, mais qui trouve un écho par exemple dans les sites de la fin du Bronze ancien de bord de marais découverts à Onnens VD-le Motti ou à Bevaix NE-le Bataillard.

La présentation exemplaire de B. Arnold permet malheureusement également de relever le peu de sites dont les structures et le matériel sont publiés. Ainsi, dans le cas représentatif du canton de Neuchâtel, parmi les sites fouillés ces dernières décennies, à l'exception notoire des sites du Bronze final (Hauterive-Champréveyres et Cortaillod-Est), seule l'étude de la pierre polie du site Néolithique moyen de Champréveyres est publiée intégralement et à Saint-Blaise, pour le Néolithique final, il manque toute une partie des études, comme à Auvernier pour le Néolithique moyen … On connaît les difficultés liées à la gestion de l'énorme masse de données et de matériel générée par les fouilles lacustres, force est néanmoins de constater que les élaborations ne suivent pas toujours la fouille et que de nombreuses données disparaissent avec la mémoire des fouilleurs. Espérons qu'en plus de la considération donnée aux sites et de la publication de cet ouvrage, l'élan de la demande de classement à l'Unesco permettra de prendre en compte cet aspect du problème.

Pour compléter cet ouvrage, on mentionnera l'excellente initiative prise par l'archéologie neuchâteloise de mettre à disposition sous forme numérique des documents plus pointus. Deux opus numériques complètent l'ouvrage de B. Arnold. Le catalogue des plans des stations lacustres neuchâteloises contient les scanns des plans parus dans l'ouvrage sus-cité. La très bonne résolution en jpeg de cette magnifique documentation fournit un outil de travail extrêmement précieux, notamment pour comparer les plans avec les possibilités de superposition et de changement d’échelle que permet l’informatique.

Il en est de même pour le 4e opus de la même série qui comporte un historique des recherches stratigraphiques, suivi d'un exposé par les différents scientifiques des études géologiques, sédimentaires et palynologiques des sites littoraux des baies d'Auvernier et de Hauterive, ainsi que du bassin du Lorclat, depuis le Dryas jusqu'à la période actuelle. Il se conclut avec la synthèse stratigraphique en deux tableaux de la rive nord du lac de Neuchâtel et du bassin du Lorclat et une proposition des courbes de variation du niveau d'eau qui sera certainement d'une grande utilité à tous les chercheurs intéressés par les implantations humaines le long des rives, les différents niveaux d’eau dégageant ou immergeant des parties du territoire, des zones d’occupation, d’exploitation ou de passage.

Zitierweise:
Elena Burri-Wyser: Rezension zu: Béat Arnold, A la poursuite des villages lacustres neuchâtelois : un siècle et demi de cartographie et de recherche. Archéologie neuchâteloise 45. Neuchâtel 2009. Zuerst erschienen in: Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 94, 2011, S. 305